Editorial
Hiram Brülhart
ou l’art éloquent de la retenue
ÉDITORIAL
Les exégètes d’Hiram Brülhart ne sont pas nombreux mais tous relèvent dans leur présentation de l’homme, son engagement – discret mais efficace –, sa sobriété et sa sincérité. Concernant l’analyse de l’œuvre, ils soulignent avant tout une productivité prodigieuse. Artiste fécond, Brülhart a, en effet, produit un nombre élevé d’œuvres qui a peut-être contribué à nous donner l’impression de connaître son style et ses sujets. Pourtant la redécouverte de son œuvre que propose PRO FRIBOURG, à l’initiative de Philippe Clerc, dévoile des aspects méconnus dont un potentiel expressif et esthétique inattendu.
Le Musée d’art et d’histoire de Fribourg (MAHF) possède plus d’une centaine d’œuvres du peintre dont plusieurs sont représentées dans ce cahier. Parmi elles, il y a un grand nombre de paysages fribourgeois, suisses mais aussi étrangers témoignant de ses voyages. La figure humaine est l’autre grande catégorie représentée notamment par des autoportraits saisissants, attestant du vieillissement de l’artiste et de la mélancolie grandissante de son regard.
Le peintre se fait aussi le chroniqueur de son temps en portraiturant les notables et les ecclésiastiques de la ville, mais également des proches qui s’incarnent sous son pinceau. S’arrêter sur ces portraits, c’est tomber sous la magie de l’art d’Hiram Brülhart. Face à ses modèles, et sans doute à leur insu, le peintre saisit souvent une pose étonnante, un regard perdu, un geste révélateur. Comme le portrait de l’abbé Charpine, représenté en déséquilibre sur sa chaise, témoignant de manière allusive, d’un caractère vif et nerveux. Ou encore ces modèles dont le regard absent les emporte au loin en préservant leur mystère.
L’analyse de l’œuvre de Brülhart montre que, contrairement à ce que certains affirment, il varie son style et ses options esthétiques et techniques. Il passe ainsi d’une palette chromatique aux tonalités sourdes à des couleurs vives définissant une blouse, un châle ou le reflet de l’eau dans un paysage du sud. De même, sa peinture souvent lisse et mate conférant à ses toiles un aspect flou peut s’épaissir pour évoquer le modelé d’un visage ou les plis d’un vêtement. Parcourir l’œuvre d’Hiram Brülhart, grâce à cette publication qui lui est dédiée, c’est redécouvrir les talents d’un peintre qui raconte, dans une discrète mais éloquente retenue, son temps et ses contemporains avec empathie, intelligence et une maîtrise picturale magistrale.
Caroline Schuster Cordone Directrice adjointe du MAHF